Rosa†Crvx / Sieben
Rituels…
(par Lucy Dayrone, Vlad Tepes & Metallic)
|
Moment : 17/09/11.
Lieu : Eglise Ste-Croix des Pelletiers (Rouen, 76).
| Lucy Dayrone | Vlad Tepes | Metallic |
C’est donc dans ce désir d’être surpris que je m’en vais rejoindre la citée rouennaise, pour aller me terrer dans l’église Ste-Croix-des-Pelletiers. Oui, vous avez bien lu : le concert de ce soir se déroule au sein d’une église, ce qui bien entendu ne peut que laisser curieux et impatient.
Au-delà du lieu, nous assistons ce soir à un évènement exceptionnel dans le milieu dit « gothique » en France. Il s’agit en effet de la troisième édition des Nuits Dark-Ritual organisée par Rosa†Crvx Production et celle-ci se répartie en deux soirées identiques, le vendredi et ce samedi soir où une partie de La Horde est justement présente. Les places étaient limitées au nombre de 350 places par soirée afin d’accentuer le caractère privilégié de la soirée à laquelle nous allons assister en ce samedi.
La salle Sainte-Croix-des-Pelletiers est une ancienne église qui se situe au nord de la place du Vieux-Marché de Rouen. Elle est dorénavant utilisée comme salle de concert et de conférence, ce qui fait d’elle un lieu unique hors du temps comme peuvent l’être les deux groupes qui vont s’y produire ce soir.
Deux représentations furent données : vendredi soir et samedi, à guichet fermé, à laquelle j’ai assisté.
Il y a un peu de retard mais l’ambiance est si belle dans ces lumières tamisées que l’on n’attend pas vraiment. On se laisse envoûter par les charmes des mascarons, des bougies allumées sur scène et dans les chœurs, par le décor déjà installé pour Rosa†Crvx avec entre autres, ces impressionnantes cloches portant chacune le nom d’un démon.
Sans s’en rendre compte, la lumière baisse et un homme s’active déjà sur scène : c’est Sieben, qui d’un coup d’archet, tire une note des plus mélancoliques à son instrument.
Comme à l’accoutumée, aucune fioriture, seulement un homme (Matt Howden) et son violon usé qui sait posséder un public entier.
Une heure d’un parfait amour entre deux âmes, l’une dans une enveloppe de chair, l’autre dans un écrin de bois. Une voix toujours posée, articulant les mots au mieux pour que le message puisse passer, des doigts si agiles sur les cordes, tellement rapides qu’ils mettaient en transe le moindre regard s’y attardant trop… Car Sieben est une espèce de chamane musicien, louant la spiritualité à travers ses paroles, œuvrant pour la cause du beau, du vrai, depuis les profondeurs de son être.
Pour remonter ces trésors de mots vers la surface de notre monde, Sieben utilise une poulie nommée musique, fortement fixée à un instrument vibratoire : le violon.
Reliée à lui, une panoplie de boîtiers qui enregistre les sons et les rediffuse au bon vouloir du pied de l’artiste. Ainsi on peut le voir tapoter la caisse en bois, tirer ou caresser les cordes, utiliser sa barbe naissante pour la faire crisser, et parfois même parler au petit micro enregistreur sur le violon pour se créer des chœurs à son image.
Avais-je déjà frissonné de la sorte ? Oui, sûrement… mais jamais je n’avais été emportée dans un fou tourbillon de notes !
Si après le premier titre, doux et nostalgique pour nous mettre en circonstance, Sieben n’attend pas pour entamer le second morceau, c’est qu’il sait que l’âme ne doit pas s’arrêter de voler : alors il y joue de plus belle, chante au plus juste et s’amuse à nous transformer en feuille détachée de l’arbre, prise dans les courants d’air.
Quelques sourires au public, comme pour distiller en nous cette joie de vivre dans la douceur de la musique, puis s’en est fait : la partition devient magique, la tempête des émotions se lève, le casque du son entre les voûtes de l’église renvoie une portée pure, puis une autre et, sans nous laisser le moindre répit, le violoniste possédé tourne et balance sur place, danse avec son terrible compagnon, l’entraîne avec de frénétiques gestes qui tirent une musique toujours belle !
Les pieds ne touchent plus les dalles de pierre…
Le public me paraissait sceptique au début, ou alors carrément ennuyé ce qui me navrait. Toutefois, ce public n’était pas constitué de la masse gothique de base. Ceux qui étaient là ce soir étaient véritablement intéressés par Rosa†Crvx, ils apprécieraient donc forcément le méconnu Sieben, porteur des Oghams.
En effet, au milieu du set, plus de têtes bougent, des corps se délient, les épaules se relâchent et les applaudissements à la fin de chaque chanson sont plus nombreux, plus forts, plus sincères.
Hélas, les derniers applaudissements ne feront pas revenir Sieben pour un rappel, à mon grand damne !
Je souhaitais ardemment « Love’s Promise« , mais je n’ai pas été exaucée. Toutefois un excellent « Ogham / The Sun » a été joué et une reprise grandiose de « Transmission » de Joy Division.
Merci chère poétesse pour ces mots sortis de vos entrailles fumantes…
Etant tellement omnibulé par Rosa†Crvx, j’en avais presque oublié que Sieben allait introduire cette obscure soirée, n’en déplaise à dame Dayrone. Ne connaissant que trop peu le projet solo de Matt Howden, je ne cachais pas une certaine curiosité : l’homme allait-il réussir à reproduire toutes les sonorités présentes en studio ?
Aidé par une pédale lui permettant d’enregistrer et de diffuser en boucle les parties jouées (tout comme le fait par exemple Danny Cavanagh d’Anathema lors de ses prestations en solo), Matt va superposer tout au long des morceaux ses mélodies avec talent, indéniablement. En effet, sa pratique du violon apparaît sans faille, tout autant que passionnée. Car il apparaît évident que Matt demeure totalement immergé dans sa musique, somme toute très personnelle et l’impliquant de manière directe (ce qui est notamment perceptible au niveau des textes).
La seule critique que je pourrais énoncer au projet Sieben est de ne pas user d’un visuel particulier. Car je pense qu’avec un tel potentiel musical, il serait probablement intéressant d’y adjoindre une dimension scopique. Vous allez trouver que je chipote, et vous aurez parfaitement raison !
Matt Howden est un multi-instrumentiste, chanteur et producteur très doué. Il a développé Sieben de sorte qu’il puisse jouer avec une pédale de loop, un violon et sa voix. Le principe est de commencer par une mélodie simple, ajouter une partie de basse ou deux, quelques tambours en s’y prenant de cette manière-ci : tapotement des mains sur le bois du violon (batterie), frottement de la collecte de son instrument avec son menton (guitare), etc. Ainsi harmonies et mélodies s’incrémentent et se rajoutent à ces autres sons. En plus de tout ça, il chante et joue du violon.
Matt arrive ainsi à créer des chansons comme si elles avaient été composées à l’aide de plusieurs instruments. Alors qu’en réalité tous les sons sortent quasiment de son instrument. Il joue même du violon comme s’il jouait de la guitare folk. Celui-ci est vraiment le prolongement du bras de Matt Howden.
Jouer en ce lieu rend la musique de Sieben encore plus magnifique. Pour ma part elle me transperce de toute part et je la sens vibrer en moi.
Matt Howden est en plus un personnage vraiment humble et d’une telle simplicité, nous ne pouvons qu’être touché par sa grâce. Il aura quelques mots pour le public avec une touche d’humour tout en retenue mais efficace. Il a une certaine sagesse qui n’est pas sans rappeler l’origine des Oghams car Matt en est tatoué. Pour information l’écriture oghamique est une écriture sacrée principalement connue chez les celtes irlandais.
Les oghams reviennent beaucoup dans les titres des chansons de Sieben comme par exemple dans le titre joué ce soir « Ogham The Sun » qui est représentatif de son immense talent.
Merci Matt pour ta sublime et douce magie.
Pour en revenir à Rosa†Crvx, je me souviens du caractère infiniment étrange de cette performance au sein de la Petite Loco (dans ce sous-sol, véritable temple de l’underground), consistant entre autres en une infinie répétition de la danse de la Terre. Hypnotique ! Il n’en fallait pas plus pour attiser mon envie d’en découvrir plus.
Rosa†Crvx alternera ce soir entre diverses périodes, ce que j’ai perçu de manière purement instinctive (ne connaissant pas la discographie du groupe). Ainsi, un voyage s’opérera entre des univers médiévaux, antiques, ou plus typiquement gothiques (au sens contemporain, j’entends). Concernant ces derniers, les quelques morceaux s’illustrant dans le registre du rock gothique m’auront profondément ennuyé, n’étant pas du tout amateur du genre. De plus, Rosa†Crvx est à mon sens bien trop original pour perdre son temps dans ce type de schéma musical. Mais ce point de vue reste strictement personnel bien entendu.
Un aspect important de la musique de Rosa†Crvx est son caractère incantatoire, qui s’illustrera notamment par des morceaux martiaux autant qu’antiques. Ce sont ces morceaux qui auront le plus retenu mon attention de mélomane averti, me faisant penser aux titres les plus médiévaux de l’Eros Necropsique (même si se situant dans un registre fort éloigné de celui de Rosa†Crvx… mais mes voix cognitives sont impénétrables chers lecteurs !).
D’ailleurs ce soir tout a été pensé, calculé pour nous faire la démonstration de ces inventions sur fond de musique gothique et dark d’un autre temps accentuée par le chant en latin torturé d’Olivier. Je comprends mieux le choix de cette ancienne église, ce côté intimiste avec le nombre limité de places car nous allons assister en ce samedi à des performances et à un concert exceptionnel, inégalable.
Suite à cette première performance, le concert de Rosa†Crvx débute enfin. Tout le show musical est mêlé de diverses prestations où le public se retrouve au centre spectateur de ces expériences humaines et musicales.
« Ces pièces, appelées Machines, sont destinées à être « jouées » ensemble et dans un même lieu. Créer un environnement complet afin d’isoler celui qui s’y trouve du monde extérieur. Emprisonner l’esprit pour le forcer à voir: mise en condition indispensable destinée à imposer la réflexion. Brusquer l’autre, le provoquer, le confronter à une autre réalité. C’est une agression contre l’esprit, certes, mais c’est l’unique moyen de susciter la réaction… » Olivier Tarabo.
Chaque prestation est impressionnante et ne laisse personne indifférent c’est indéniable. Le tout est parfaitement huilé entre les performances de Rosa†Chordis et la musique intemporelle de Rosa†Crvx.
Je vous fais partager de nouveau leur immense talent avec le titre aérien « Aglon » :
Envoûtant et sublime…
Voyage initiatique…
Merci beaucoup anonyme Vivine ! Cradelienne de son état !!
Merci Vivine 🙂
excellentissime… vivine