Interview Morgan Von Feuster
(Scholomance webzine) (par Metallic)
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Dans la première et deuxième année de la création de notre webzine en 2011 et 2012, j’ai vu et suivi l’émergence d’un autre webzine. Il s’agit de Scholomance et c’est tout naturellement que j’ai interviewé Morgan Von Feuster, le fondateur de ce webzine qui est également notre partenaire, afin que vous découvriez ici son histoire, ses rouages, la et les passions qui l’animent, les difficultés rencontrées et bien d’autres faits encore.
Metallic : Bonjour Morgan, pour débuter et pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore ou qui aimeraient en savoir davantage sur le webzine Scholomance, peux-tu nous raconter brièvement son histoire et ce que vous proposez exactement sur celui-ci ?
Morgan : Salut Metallic, merci de prendre du temps pour parler de mon travail et de celui de mon équipe. Si je devais résumer et présenter Scholomance ce serait avant tout une clarification adressée aux gens qui pensent que ce nom vient directement de World of Warcraft. Même si on trouve effectivement un donjon du même nom dans le jeu, ses créateurs ont pris l’influence au même endroit que nous. Il s’agit d’une école dirigée par le Diable, au cœur de la Transylvanie, entourée de montagnes et de forêts. J’ai découvert le nom Scholomance en lisant « Dracula » de Bram Stoker puis le morceau de Culte des Ghoules. Bref ! Voilà pour le nom je me devais de rétablir un peu son origine. Sinon, c’était à l’origine seulement une page Facebook qui reliait les infos de divers sites plus ou moins spécialisés sans vraiment de structure et de ligne éditoriale comme on peut le faire sur son mur personnel. C’est plus tard avec l’arrivée de Jules et Thomas que la volonté de créer autre chose qu’un Facebook s’est manifestée. Au début on tâtonnait, les infos allaient de BB Brunes à Mayhem, puis un jour un commentaire m’a fait réaliser qu’on devait vraiment trouver notre marque, notre identité, que brasser aussi large, surtout des groupes qu’on n’aimait pas forcément, n’était pas une bonne idée si on voulait construire quelque chose qui nous correspondait plus. Au final Scholomance maintenant c’est le fruit d’expériences, et ce qu’on propose est le plus souvent nos découvertes, la ligne éditoriale est devenue ce qu’on aime et on trouve notre cohésion comme ça. Sur cette base, on propose des infos quotidiennes, des chroniques, des interviews (écrites et vidéos), des reports, une chaîne YouTube avec beaucoup de morceaux mais aussi des compiles gratuites sur notre Bandcamp, des articles. Énormément de choses au final, on ne cherche pas vraiment à se cantonner dans un format précis.
Metallic : Te rappelles-tu justement de ces instants où tu as eu l’idée de créer Scholomance, quel a été le fait déclencheur, et à l’heure d’aujourd’hui penses-tu avoir réalisé ce que tu désirais à l’époque de la création du webzine ?
Morgan : Houla, au début c’était vraiment pour occuper mon temps quand j’étais seul à Nice pour mes études. Donc je ne me suis jamais dit que je voulais créer un zine. Ça s’est fait naturellement quand j’ai vu que ça m’apportait beaucoup de choses positives comme les rencontres avec les groupes : une volonté de fan en priorité. Découvrir et soutenir. Je ne désirais pas grand-chose, Scholomance a dépassé largement ce que je pouvais imaginer à mes débuts.
Metallic : As-tu rencontré des difficultés pendant le processus de création du webzine et une fois celui-ci lancé ? T’es-tu fait aider pour développer le webzine, le site ? Pour rappel, comme pour nous, tu avais un Blogspot de chez Google avant d’avoir ton propre nom de domaine et nous savons qu’il est difficile de mettre en place un tel média et de le gérer.
Morgan : Tu sais très bien que j’ai galéré, combien de fois t’ai-je appelé car je n’arrivais pas à coder un truc ! Tout est difficile, je ne suis absolument pas programmateur du coup oui j’ai demandé à beaucoup de personnes, mes amis Alex, Robin et toi principalement. Après quand j’avais un problème c’était de longues heures sur le site et sur les forums pour des trucs qui prennent 10 minutes à un informaticien. Mais comme on fait tout bénévolement on n’a pas eu les moyens de faire appel à un webmaster ou quoi que ce soit, on est tous étudiants ou alors jeunes actifs, on a d’autres impératifs financiers que claquer de l’argent et puis ça nous va bien, cet esprit d’entraide un peu roots, même si pour notre première série de t-shirts on n’a pas fait de marge au grand dam de mon community manager. On se démerde et puis comme ça quand on a de l’aide c’est vraiment des gens qui veulent nous aider. Oui, je me suis bien fait aider et je les remercie chaleureusement tous et je ferai sans doute encore appel à eux haha.
La gestion humaine était quelque chose auquel je n’avais jamais pensé au début, quand on était trois ça allait plutôt simplement. Maintenant on est plus d’une dizaine, on a eu pas mal de soucis de relations humaines, des départs, des arrivées. Au final depuis quelques temps on a une bonne cohésion. On se connaît tous plus ou moins bien et ça avance dans une bonne ambiance.
Metallic : J’imagine qu’il y a eu des hauts et des bas au départ, as-tu toujours cru que Scholomance réussirait là où il est arrivé aujourd’hui ?
Morgan : Comme je te disais au départ je n’avais pas de projet sur le long terme. Si ça en est là aujourd’hui c’est juste que je ne me lasse pas de ce que je fais. Je crois surtout que Scholomanceet son équipe a une volonté et une capacité à évoluer et s’adapter. Je pense que ça vient du fait qu’on est assez indépendants des scènes qu’on aime ou même géographiquement. Tout le monde apporte sa touche locale donc même spatialement on n’est pas ancré quelque part et je pense que c’est notre force.
Metallic : Pour ton webzine, il est important de soutenir la scène underground. Pourtant, vous proposez sur le webzine des news qui ne sont pas très underground. Peux-tu m’expliquer l’importance des news en général sur votre site ? D’autres médias les proposaient déjà, donc que voulais-tu proposer de plus ? Si c’était le cas évidemment.
Morgan : C’est une question qu’on s’est posé, souvent d’ailleurs. Mais au final l’underground n’est pas un gage de qualité pas plus que le « mainstream » n’est celui du mauvais goût. Pourquoi se priver de l’un ou de l’autre ? Les news sont un moyen d’avoir une activité quotidienne, de faire découvrir sans forcément passer par des chroniques ou des interviews. Comme tu dis il y a des news pas très underground, mais ce sont aussi des groupes qu’on aime et que nos lecteurs aiment, c’est aussi le moyen d’attirer de nouveaux lecteurs pour leur faire après découvrir des petits groupes s’ils restent sur notre page, sans pour autant ce priver de groupes plus reconnus qu’on aime. Les news permettent vraiment de construire une personnalité à Scholomance et justement différencier notre webzine des autres. En fait ce qu’on propose de plus, c’est d’oublier une certaine « idée » et les « frontières » du Rock et du Metal c’est de proposer l’univers de Scholomance, notre univers, un univers qui se construit à travers les différentes personnalités qui nous construisent au quotidien.
Metallic : Tu as débuté seul et maintenant, vous êtes une véritable équipe de plusieurs personnes. Pourtant si on se réfère à la légende de Scholomance qui est décrite sur votre site, cette école n’acceptait que dix étudiants à la fois, et dans le webzine aujourd’hui vous êtes bien plus. Vous avez modifié les règles ?
Et leur enseignes-tu le langage du Metal et quelques sortilèges métalliques ?
Morgan : Tu n’as jamais entendu parler de la surpopulation des classes ? Ben du coup c’est ça haha. Oui nos règles ont été modifiées et se modifient toujours. Ce qui étonne le plus souvent quand un nouveau chroniqueur entre chez nous c’est la liberté qu’on laisse. On n’impose pratiquement aucune chronique, et c’est vraiment ce qu’ils souhaitent. On a nos spécialités mais si un jour Xavier notre chroniqueur Goth veut faire du Black il le fera. Marion spécialisée en prog nous a fait des chroniques Black là aussi très intéressantes car son regard et son écoute sont différentes. Si quelqu’un bloque sur une chro ou galère à poser des questions dans une interview, l’équipe est là pour l’aider à avancer. Dans cette idée il y a beaucoup de focus écrits à quatre mains. Au final c’est un langage de cohésion et d’entraide pour donner le meilleur.
Metallic : D’ailleurs, peux-tu nous raconter ton parcours universitaire, il est assez particulier et je me rappelle que tu as rédigé pendant ta Licence deux thèses « Anthropologie des émotions » et « Le Black Metal : Le passage d’une culture underground à une culture mondiale« . Peux-tu nous en dire davantage et était-il important pour toi de faire ces thèses sur le Black Metal et t’ont-t-elles permis d’appréhender et de comprendre ce style ? On peut dire que tu en connais tous les rouages ?
Morgan : Si j’avais écrit deux thèses en Licence je pense que je serais plus précoce que Sheldon haha. Depuis la fin de ma Licence j’ai effectivement pris un virage très « Metal » ou même Black dans mes recherches en anthropologie et plus généralement je travaille sur les contre-cultures. Les émotions sont effectivement un des prismes par lesquels je regarde le Black Metal car il demande une construction culturelle et un affect très particulier. L’idée de mondialisation aussi, je pense qu’il faut arrêter de voir le Metal et surtout le Black Metal comme un genre underground. Un jour, lors de mes recherches quelqu’un que j’ai interrogé m’a dit : « le Black Metal a cessé d’être underground alors que la première église n’avait pas fini de brûler ». Même si le Black Metal reste un style très codifié il faut arrêter de se complaire dans une forme d’élitisme de l’inconnu et de l’underground. Le folklore Black Metal n’a plus rien de mystérieux et je ne pense pas que ça lui apporte grand-chose. Je ne prône pas non plus que l’avant-gardisme et le Post-Black etc… soient l’avenir, ils sont l’avenir autant que des formations au son plus « à l’ancienne ». C’est faire avant tout une musique car elle nous touche émotionnellement et pas parce qu’elle est « cool ». Quand le Metal et le même le Black sont présents sur tous les continents je pense que soit on se ment à soi-même sur le côté underground soit on doit vraiment revoir sa définition.
Du coup ce n’est pas vraiment « important » c’est juste naturel. Je ne sais pas composer, j’en ai eu l’envie mais plus maintenant ; je sais écrire, je sais analyser anthropologiquement les rouages de cette contre-culture et c’est ça qui me plaît et qui m’intéresse. Je sais qu’il y a une mode en ce moment des « études » en sciences humaines sur le Metal et qu’on a les deux camps, ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Mais c’est comme les groupes, pour moi ça dépend de la démarche et de ce que produit le chercheur. Ça m’a permis vraiment d’appréhender différemment la scène Black Metal et surtout ma scène, la scène niçoise qui est un microcosme très intéressant. Heureusement je ne connais pas tous les rouages du Metal sinon j’aurais arrêté de traiter ce sujet haha !
Metallic : J’aimerais aborder avec toi une passion qui t’est chère. J’ai remarqué que tu as un doctorat de Metal en Chine, est-ce vrai ? D’où t’es venue cette passion pour la scène asiatique et tout particulièrement la scène chinoise ?
Morgan : Je ne sais pas si on peut dire que j’ai un doctorat de « Metal en Chine » c’est assez étrange dit comme ça. Disons que je fais mon doctorat sur le Metal en Chine et plus précisément sur une expression culturelle particulière en l’occurrence la Chine à travers une culture normée, celle du Metal. Ce qui m’intéresse c’est comment au travers d’une culture qu’on peut rapidement qualifier d’occidentale. Les musiciens chinois arrivent à exprimer leur identité propre, que l’on considère au mieux différente au « pire » hermétique. Mais comme je suis en plein dedans je n’ai pas encore écrit ma thèse donc je n’ai pas encore de doctorat mais oui c’est bien sur ce sujet.
J’ai toujours aimé l’Asie, au début comme presque tous les ados de ma génération par les mangas. Quand tu es élevé à coup d’Albator et de Dragon Ball forcément ça laisse son empreinte culturelle, plus que ça une partie de ma famille a des origines vietnamiennes, ça remonte pas à très loin mais ça aide à avoir une approche différente et à y être plus sensible. Après, au lycée, on avait plus facilement accès aux Animés et donc aux génériques. Pas mal de mes amis écoutaient ça et le Visual Kei, je ne me suis jamais retrouvé dans ce genre, donc je suis allé voir si au Japon il y avait des groupes de Rock et de Metal. Je suis tombé en premier lieu sur Moi Dix Mois, du Goth Metal à tendance Visual mais ça passait bien et j’en écoute encore de temps en temps ; puis la scène Metal vraiment avec Sigh, Loudness surtout j’étais très fan de Heavy à l’époque. Étant dans un petit village je n’ai pas eu accès jusqu’à la FAC à un grand pan de ces scènes. C’est plus tard en cherchant des groupes asiatiques que je suis tombé non pas sur un blog sur le Metal Japonais mais sur un Chinois et un Taïwanais. Du coup j’ai écouté, découvert, je m’éloignais pas mal de toute la vague Mangas et culture pop jap’. Donc j’ai trouvé dans la Chine un peu un refuge où personne ne venait m’emmerder. En plus ils ont beaucoup plus de groupes aux sonorités chinoises qui te font déconnecter de ta réalité comme FuXi, Ego Fall, Tengger Cavalry, ChthoniC, Darkness Over Depth. J’ai pris le temps de trouver chaque album en physique, un peu comme dans les années 90’s, une période que je n’ai pas connu. Je galérais à les trouver, ça m’a permis de tisser des liens avec les groupes là-bas et maintenant c’est eux qui viennent me voir pour diffuser leur musique alors que j’ai toujours creusé et cherché. Ca a changé, c’est un sentiment assez étrange de voir que ma passion pour la Chine se retrouve dans Scholomance et que du coup les groupes sont heureux de trouver un écho de leur culture en France.
Maintenant je suis retourné au Japon et je me suis ouvert à toute l’Asie. Par exemple la scène Punk/Hardcore/Black indonésienne est une que je découvre et qui me tient énormément à cœur maintenant avec des groupes comme Kerberos, Ayperos, FromHell, Vallendusk et récemment Pure Wrath.
Metallic : La scène Black Metal chinoise est volontairement mise en avant sur Scholomance et se développe de plus en plus. Il est important pour toi de mettre autant en avant cette scène. Quels sont les retours des lecteurs et des groupes ? Arrives-tu à faire des émules ? Car pour la plupart des groupes, ceux-ci sont seulement connus dans leur pays, donc comment fais-tu pour les découvrir ? Et les contacts se font facilement ou pas pour les interviews par exemple ?
Morgan : Volontairement je ne sais pas, je fais ce que j’aime avant tout. Je me retrouve de moins en moins dans la scène occidentale et même si j’adore toujours la scène Black française elle commence de plus en plus à porter des valeurs qui ne me correspondent pas. Donc cette mise en avant se fait naturellement, j’aime cette scène et c’est pour ça que Scholomance se retrouve avec des articles sur la Noise chinoise et le Black Metal japonais, mais aussi des interviews de groupes taïwanais, coréens et des infos de Thaïlande. Je parlais de mondialisation de la scène, je ne pense pas que ce soit en restant le nez collé à notre scène qu’on peut la faire avancer. Même si je ne suis pratiquement focalisé que sur la scène asiatique, Scholomance trouve un équilibre grâce aux autres qui sont autant passionnés que moi mais sur d’autres scènes ou genres. C’est aussi grâce à ça que je peux donner une place aussi importante à la scène asiatique, allant même jusqu’à en faire le thème d’une compile.
Je pense que les lecteurs sont assez réceptifs, moins à des groupes venant de Pologne, de France ou même d’Amérique du Sud mais tout de même. Après c’est compliqué, à part quelques groupes surtout japonais comme Sigh, Abigail, Sabbat, Barbatos, Metalucifer ou plus largement Envy et Mono, il n’y a pas vraiment d’écho en France à part sur Scholomance, donc faire découvrir toute une nouvelle scène ça se fait petit à petit, surtout avec des groupes qui revendiquent leur culture. Ce n’est pas facile à appréhender. Il y a des émules quand même, Thomas est devenu très friand de la scène Metal du Moyen-Orient et de l’Asie, et des amis aussi pour la scène chinoise donc ça me rassure, je fais de la bonne propagande haha.
Pour ce qui est dans le pays même c’est très compliqué déjà de quantifier, Facebook est interdit à la base en Chine, mes amis passent pas des émulateurs, mais y a des festivals donc il y a quand même un public assez important pour en organiser. C’est la scène que je connais le plus. En Indonésie, le Punk est à la limite toléré, le Black ça dépend comme le montre le documentaire « A l’Est de l’Enfer » de Matthieu Canaguier. Java, la capitale, est tolérante selon les quartiers mais à côté les punks sont rééduqués au nom de la charia. Le Metal est bien plus compliqué et a des relations bien plus tendues et importantes avec les pouvoirs en place dans ce genre de pays. Pour les découvrir ce sont les réseaux, les amis qui me font passer ça, les contacts ne se font peut-être pas facilement mais ils se font et sont solides donc je peux avancer dans cette scène grâce à eux. Donc j’en profite pour les remercier !
Metallic : En novembre, Scholomance aura 6 ans d’existence. Après un tel parcours et une telle réussite, de quoi es-tu le plus fier, est-ce les 7000 lecteurs Facebook atteints, les un million de pages vues sur votre site ou justement de faire découvrir au monde entier tous ces excellents groupes chinois ?
Morgan : Je suis fier de ne pas m’être lassé.
Metallic : J’imagine que pendant ces presque 6 années, il y a dû avoir des moments plus difficiles que d’autres, non ? Est-ce que les problèmes rencontrés avec les antifas (anti-fachos) concernant un live-report sur le groupe français de Black Metal Peste Noire, en font-ils partie ? Comment gère-t-on ce genre d’attaques ?
Morgan : On a eu principalement deux moments difficiles. À une époque il y a eu énormément de départs avec des gens peu actifs sur le webzine. Scholomance était pendant cette période tenu à bout de bras par Thomas et moi. La seconde période difficile c’est cette histoire. C’est au final assez compliqué. Ce ne sont pas les Antifas en tant qu’organisation mais des proches du webzine, des partenaires qui ont fait que le ScholoFest n’a pas eu lieu. La date qui devait porter ce nom a eu lieu elle avec Satan d’ailleurs, groupe ouvertement de gauche qui continue malgré tout à nous suivre et soutenir notre travail. Dans ce report il a eu des erreurs dans sa formulation et la façon dont il a été présenté mais pas dans son contenu apolitique. On n’avait pas pensé, vu ou encore compris l’embrasement qui a eu lieu dans la scène Black Metal de ces derniers temps entre faf et anti-fas. La politique est omniprésente et encore plus aujourd’hui dans le Black Metal, et notre ligne apolitique était pour nous au début juste un positionnement où on ne cherchait pas à comprendre les deux « camps », mais être apolitique c’est un choix politique au final. Dans le dernier report du Call of Terror c’est ce qu’on a montré. Oui beaucoup de personnes ont râlé, nous traitant de vendus ou de collabos avec les anti-fas. Ils nous reprochaient de “ne pas porter nos couilles”, mais nous sommes convaincus d’avoir montré une réalité. Pour nous être apolitiques ce n’est pas oublier les messages derrière les groupes, c’est trop facile et de mauvaise foi. Je pense que si le report sur KPN était posté maintenant ça se passerait autrement et sa rédaction aurait été autre. On a pris assez conscience des réalités de ce conflit médiatique et idéologique pour rester apolitique.
C’est compliqué à gérer surtout quand ce sont des amis qui mettent ça sur le tapis. Mais au final je pense que la gestion est autant faite en interne qu’avec énormément de communication et une prise de conscience qui fait que nos relations amicales ont pris le dessus, on verra si les relations professionnelles reprendront ou non dans l’avenir…
Metallic : Est-il normal selon toi qu’un webzine soit obligé de se justifier de ne pas faire de la politique et de ne pas avoir de discours politique quand on fait la promotion de la scène Black Metal quelle qu’elle soit ? Selon toi l’art est-il dissociable ou pas de la politique, et surtout dans le Black Metal ?
Morgan : Je pense que l’art en général est politique, même si ça va pas aussi loin que le RABM ou le NSBM, il y a toujours des jeux politiques, ils sont juste exacerbés dès que ça touche des idéologies extrêmes de droite ou de gauche. Je pense que c’est vraiment se mentir que de penser que le Metal n’est pas politique et surtout le Black Metal, il suffit de voir les quelques musiciens de Black qui se retrouvent en politique, qui revendiquent autant leur statut de politicien que de blackeux.
Je ne pense pas que ce soit justifié pour tous les webzines. Ça dépend de leur ligne éditoriale. On a dû le faire et c’est normal vu les sujets qu’on traite, toi je pense que ce ne serait pas légitime par exemple.
Metallic : Plus personnellement, quel est ton regard sur la scène Metal en général et ainsi que les médias qui en font la promotion ?
Morgan : C’est un peu une histoire d’amour et de haine. J’adore la scène Metal et plus particulièrement Black Metal comme tu as pu le comprendre mais disons que je suis bien loin de la scène dans son aspect social. J’ai beaucoup de retours de la scène parisienne par exemple et de son ambiance de rivalité, de conflits inutiles. Des associations aussi et d’une partie du public qui pense que faire partie d’une scène c’est uniquement poster des morceaux sur des groupes Facebook. Le paraître semble de plus en plus important par rapport aux vraies actions ou même aux discours les plus intéressants. Il y a une forme d’autosatisfaction de l’attitude, disons-le clairement il y a un « concours de bites » de celui qui sera le plus underground, le plus Black, que ce soit dans le public ou même les groupes. On se retrouve dans une situation absurde où le Black est un des styles de Metal les plus écoutés mais qui ne remplit plus une salle de 100 personnes… C’est pour ça que tout à l’heure je te disais que mon plus grand exploit c’est de ne pas être lassé. Je vois de plus en plus d’acteurs qui laissent tomber et se détournent du Black et du Metal, non pas parce qu’ils n’aiment plus cette musique mais parce que la scène leur file de l’urticaire. Quand tu décides de créer quelque chose dans la scène, il faut déjà avoir une certaine distance.
Pour les médias je n’ai pas vraiment de regard, je suis assez occupé avec le mien.
Metallic : Peux-tu nous expliquer ce que signifie pour toi cette phrase indiquée sur votre page Facebook, « Libérons nous des frontières entre Black Metal et Post-Rock » ?
Morgan : Je pense que tu as déjà eu pas mal d’éléments de réponse. Ça vient d’un slogan anarchiste et à nos débuts le Black et le Post-Rock étaient les deux styles les plus opposés que l’on traitait, mais sur le papier. Y a énormément d’échange entre les styles et surtout entre ces deux-là avec le mélange Black Shoegaze qui a donné le Post-Rock, le Blackgaze, le Post-Black etc… Au même titre que le Rock et le Metal sont des styles mondialisés, l’échange entre les styles est profitable à tous. Mais les deux styles restent introspectifs au final. C’est musicalement différent, pas réellement lié ce qui fait qu’on se perd et que Scholomance ne va pas n’importe où. C’est un peu comme Ulver quand on y réfléchit, ils faisaient du Black, maintenant du Post-Rock, on a eu des éléments Electro, Noise, mais ça reste Ulver. Scholomance traite de Black de Death, de Thrash, de Heavy, de Coldwave, Deathrock, Post-Punk, Hardcore, Crust, Electro, Noise, Neo Folk mais reste Scholomance. Ces styles construisent Scholomance autant qu’ils construisent les goûts de nos chroniqueurs. Si on arrive à être des personnes cohérentes en aimant tout ça pourquoi notre travail ne refléterait pas ça ?
Metallic : Tu as plusieurs casquettes, fondateur à Scholomance webzine, chargé de communication à l’asso Domi Extrême et co-gérant du label The Wichtower Productions, puis tu es même chanteur je crois. Arrives-tu donc à joindre tous les bouts pour gérer toutes ces casquettes comme tu le désires ?
Morgan : Pour The Withtower Productions c’était un label qu’on voulait à la base collaboratif mais il a au final servi surtout à donner un support médiatique à Warpstone. Après le leader du groupe et moi-même n’avions plus de temps pour faire grandir ça donc on l’a laissé de côté. Ce qui se rapproche le plus d’un label c’est notre distribution Scholomance Promotion. Là encore c’est bénévole et il n’y a pas de marge, on propose les CD’s de groupes qu’on aime en dépôt vente sur les concerts niçois ou de la main à la main sur le modèle de Battle’s Beer à qui j’ai demandé si je pouvais piquer l’idée.
L’asso Domi (on appréciera la délicatesse du jeu de mot) est indépendante de mes activités du webzine. C’était avec eux que se faisait le ScholoFest mais ce qui s’est passé a mis en pause le partenariat, ce qui n’a pas remis en question mon implication dans l’association. On est plusieurs donc le simple aspect com’ est gérable, si je ne peux pas faire quelque chose ou me rendre à un concert c’est le président de l’asso qui prend le relais.
Pour ce qui est du chant, comme je te disais tous mes projets ont avorté, mais je ne désespère pas, je cherche à produire avec un ami un autre style de son. Plus Noise, plus expérimental.
Metallic : Comment vois-tu Scholomance webzine aujourd’hui, en es-tu satisfait ? Qu’aimerais-tu encore développer pour celui-ci et comment vois-tu le webzine pour ses 10 ans et bien au-delà ?
Morgan : Comment ne pas être satisfait alors que je n’imaginais même pas en arriver là ! Oui je suis très content je l’ai déjà dit mais on a une équipe soudée et c’est le principal. On n’a pas d’objectif quantitatif, de vues par exemple, comme on ne fait pas de pub sur le site on s’en fout, et on continue de les refuser dès qu’on a des propositions. J’aimerais continuer à développer l’aspect gothique du webzine qui a bien progressé avec l’arrivée de Xavier il y a un an. C’est une scène qui me tient à cœur mais je n’ai pas forcément le temps de le faire. La scène Death aussi et bien sûr continuer à tisser plus de liens avec la scène asiatique et chinoise. Je vais y aller pour mes études j’aurais tout le loisir de la partager au plus près, et pourquoi pas faire des carnets de bord et des reports de concerts en Chine. Je ne vois pas le webzine dans 10 ans, je ne le vois pas demain, je le vois au jour le jour. Il ne doit jamais devenir une contrainte, j’arrêterais le jour où ça en sera une.
Metallic : Pour finir cette interview, qu’aimerais-tu dire aux nombreux lecteurs qui vous suivent dans le monde entier ? Et sinon, je te laisse également le mot de la fin, qu’as-tu à rajouter ?
Morgan : Je les remercie. Tu le sais, et je le disais on ne gagne pas de thune et on en perd dans nos webzines. Donc ça paraît rien mais voir qu’on est lu, que nos infos sont likées ou commentées c’est notre seule récompense. Donc je les remercie d’être actifs, de commenter, de partager nos infos (en ne prenant pas que le morceau de l’info) dans leur intégralité. On va continuer d’être droits avec nous-mêmes et de faire ce qu’on aime, donc toujours plus de Chine, de Goth, de Black, d’underground mais aussi de mainstream. Merci de nous faire confiance, ça fait plaisir de voir que notre travail fait écho à votre vision de la musique.
Mes derniers mots seront qu’il est 3:43 quand je finis de répondre à ton interview et qu’il faut écouter « First and Last and Always » de Sisters of Mercy.
Sinon merci à mon équipe : Thomas, Jules, Antoine, Khxs, Marion, Remi, Xavier, Romain, Remi, William, Eloïse, Nyarlat, Loïck, Pablo et ceux qui ont fait partie de l’aventure et qui continuent à nous soutenir. Merci à toi, Scholomance ne serait pas là sans toi et Psychopathia Melomania.
Février 2017,
Dirigée par Metallic.
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